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mercredi 25 septembre 2019

Thomas Cook & Sons, la triste fin des pionniers du tourisme sur le Nil



Bonjour,


Aujourd'hui je vais vous présenter un article totalement recopié dans un autre blog
mais qui a la particularité de retracer toute l'histoire du voyagiste 
Thomas Cook.



Le premier voyage "test" de Thomas Cook & Sons en Égypte a lieu en 1860. 
Alors que Thomas Cook, le père, avait plutôt "travaillé" sur l'Europe, 
l'Amérique et la Terre Sainte, son fils John Mason entrevoit le potentiel 
que peut représenter l'Égypte, avec sa richesse historique et sa croissante présence anglaise.

Ce premier périple en terre pharaonique constitue une véritable aventure
 étant donné qu’aucune infrastructure touristique n'existe alors. 
 "Thomas Cook a dû prévoir d'amener 65 chevaux, 87 mules pour les bagages, des tentes, 
 des lits, des cantines pour que les cuisiniers puissent préparer les repas."
En 1869, Cook reçoit une invitation personnelle de Ferdinand de Lesseps à assister
 à l'inauguration du canal de Suez. 
Il affrète le steamer "America" de la Lloyd's et offre ainsi à ses clients 
l'incroyable opportunité de faire partie de la parade fluviale
 célébrant la première traversée vers Suez, 
dans le sillon de "L'Aigle" (bateau de l'Impératrice Eugénie) et du "Mahroussa". 

"La liste des passagers est ouverte aux classes bourgeoises, aux employés de banques, 
aux commerçants ou à la profession libérale et le décalage des standings 
nourrit les sarcasmes de la presse britannique, 
dont les caricatures ridiculisent les Cooks et Cookesses 
à la recherche éperdue des divas de l’aristocratie cosmopolite."

La même année, Cook lance sa première croisière sur le Nil. 
Il n'a pas encore ses propres bateaux et 
saisit l'alternative de louer l'un des vapeurs du Khédive.


Miss Riggs, qui participe à ce premier voyage organisé révèle ses impressions
 dans son journal de bord "First Grand Tour to Egypt, the Nile & Palestine". 

Il n'existe pas encore de véritable guide-accompagnateur, 
aussi précise-t-elle que c'est le médecin égyptien 
qui se trouve à bord qui sert d'interprète.

 On peut lui pardonner son regret de n'avoir pu visiter, à Alexandrie, 
 la célèbre bibliothèque car elle ne dispose 
alors que d'une information limitée sur le pays…
 En effet, le guide de voyage papier n'est lui non plus, 
pas encore totalement "démocratisé"… 
 S'il a fait ses premiers pas en 1847, avec le "Handbook for travellers to Egypt",
 de Sir J. G. Wilkinson, 
 publié par John Murray, puis le "Guide de l'Orient" 
de Joanne et Isambert (Hachette en 1860),

 la première édition du Baedecker Egypte ne sera publiée qu'en 1878.
En 1870, Cook ouvre un bureau au Caire, dans la galerie du Shepheard's Hotel. 
Très vite, il obtient la concession des services fluviaux pour le transport des touristes 
jusqu'au sud d'Assouan et il en arrive rapidement
 à louer l'ensemble des bateaux du Khédive.
Il obtient également "la concession du service postal égyptien. 
L’affaire semble n’avoir aucun intérêt sauf sur un point essentiel :
 une clause permet à Cook de construire ses propres bateaux et donc de se dégager 
 de ses obligations envers le Khédive."



Cook entreprend donc la construction de ses propres steamers, en Angleterre,
 dans les chantiers de la Clyde.
 Ils arrivent en pièces détachées dans les chantiers de Boulaq où 
 ils sont assemblés par les ingénieurs britanniques.

 Une "flotte" de 22 bateaux, issus de plusieurs séries, 
d'une capacité différente voit le jour. 
 La technologie, associée au luxe, fait des merveilles.
 Ainsi, se retrouvent sur le Nil,
 le Sudan, l’Arabia, l’Egypt, le Rosetta, le Damietta, le Memnon, 
le Chonsu, le Serapis, l’Oonas,
 le Fostat, le Seti ou bien encore le Scarab…
 pour une croisière qui dure alors 20 jours.



La croissance exponentielle du tourisme induit, parallèlement, 
une diversification des offres d'hébergement. 
 Ainsi, à Louxor, selon le “Guide Baedecker” de 1903,
 le touriste peut résider 
 dans une "pension de famille au prix modeste et très convenable,
 ou encore au tout nouveau Savoy Hôtel".
 Cook a lui-même installé deux hôtels : le "Luxor Hotel" en 1877,
 puis le "Karnak Hotel" en 1890.

L'ancienne Thèbes s'est très vite affirmée 
comme "plaque tournante" du tourisme sur le Nil. 

Cook décide alors d'y implanter un véritable hôtel de grand standing 
visant à accueillir la bonne société cosmopolite. 
Construit en bordure du Nil dans la continuité du temple,
 le Winter Palace est inauguré en 1907. 
Son imposant escalier à double révolution débouche sur un immense 
et luxueux hall de réception et 
"ses aménagements sont tout ce qu’il y a de plus moderne et de plus luxueux,
 lumière électrique et ascenseur" 
(Comment visiter l’Égypte, 1911-1912).
 En contrebas se trouve un débarcadère auquel accostent
 les dahabiyas et les bateaux à vapeur.



Le Winter Palace devient très rapidement le rendez-vous de l'aristocratie,
 principalement britannique. 
Cook s'est installé également aux portes de la Nubie.

 En effet, dès 1899, a débuté la construction de l'Old Cataract à Assouan 
 "sur neuf feddans de terres achetées à l’État pour la somme de 1 104 £. 
 Le site de l'hôtel était une falaise de granit au sud de la ville, 
 qui surplombait le fleuve et ses rapides depuis une altitude de vingt mètres… 
 L'hôtel avait deux étages et comptait 120 chambres,
 la plupart orientées au sud avec des balcons donnant sur le Nil…"



Tourisme de luxe, tourisme de masse, 
Cook est à la croisée de ces multiples destins qui se retrouvent 
sur et au bord du Nil, comme en témoignent plusieurs récits d'époque…

Dans "Ruines et paysages d'Égypte" (édition 1910),
 Gaston Maspero fera ce constat empreint d'ironie :
"Bon an, mal an, deux mille touristes au moins visitent Louxor 
et leur passage l'a transformé. 
L'Américain et l'Anglais dominent dans le nombre, 
l'Allemand et le Français ne sont pas rares, 
et les autres contrées de l'Europe fournissent leur contingent
 du gai Portugal à la sainte Russie.

 A certains jours de la semaine, les bateaux de Cook ou
des autres compagnies versent
 à la masse leurs bandes disparates,
 qui envahissent tout, mettent tout en l'air, 
achètent ou marchandent tout ce qu'il y a
 sur la place d'antiquités vraies ou fausses,
 puis s'envolent aussi brusquement qu'elles étaient venues,
 le touriste anxieux de bien voir pêle-mêle avec les bonnes gen
s pour qui l'excursion d'Égypte 
 est une promenade à baudet gâtée par les monuments.

 Louxor est maintenant une véritable station d'hiver, 
où des savants, des désœuvrés et des malades 
colonisent durant plusieurs mois, de décembre aux premiers jours d'avril.
 On y papote, on y intrigue, on y échange des cartes,
 on s'y invite d'hôtel à hôtel ou de bateau à bateau ... "

Quant à Pierre Loti, dans "La mort de Philaé" depuis Abydos, 
son regard n'est pas plus tendre :
"Âh mon Dieu, qu'est-ce qui va se passer encore chez ce malheureux Osiris ? 

Voici que des bédouins amènent à coups de bâton, 
vers la demeure voisine que lui dédia Sethos, 
une troupe de bourricots ! 
Sans doute le lunch est achevé, et la bande va repartir,
 à l'heure militaire du programme. 

Observons, en gardant une distance prudente.
 En effet, ils se remettent tous en selle, les cooks, les cookesses, 
 et déployant, non sans quelque intention de majesté, des parasols en coton blanc, 
 ils prennent la direction du Nil. Ils disparaissent; la place nous appartient…"


En 1914, l'égyptologue Georges Legrain "dresse le bilan" suivant :
"Les touristes étrangers, Cooks and Cookesses, 
sont 'quelques milliers' chaque année à Louxor et en Haute-Egypte.
 La ville vit en grande partie au rythme de ses occupants étrangers,
 touristes, voyageurs,  savants et administrateurs,
 à savoir du mois d’octobre au mois d’avril,
la haute saison se situant de janvier à mars."
En novembre 1922, Lord Carnarvon et Howard Carter
découvrent, dans la Vallée des Rois la tombe de Toutankhamon. 
Les découvreurs fréquentent assidûment le Winter Palace
 où se retrouvent têtes couronnées, 
hôtes de marque et journalistes.
 Ainsi, peut-t-on lire dans "Grand Hotels of Egypt", Andrew Humphreys :
 "En janvier 1923, le Winter Palace devient très probablement
 l'hôtel le plus connu au monde"
Si les palaces cesseront d'appartenir à la société, ils ne cessent d'accueillir, 
depuis des décennies, les célébrités du monde entier…

Mais la belle et longue histoire de Thomas  Cook
prend fin ce dimanche 22 septembre 2019,  
la société annonçant qu'elle cessait ses activités,
 "forcée de fermer ses portes après l'échec des négociations sur un sauvetage financier." 
France Info précise que
"Le voyagiste très lourdement endetté a vu son horizon
s'assombrir ces dernières années 
à cause de la concurrence acharnée des sites internet de voyage
à bas prix et de la frilosité de touristes inquiets du Brexit notamment".

Marie Grillot


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