L'ultime voyage du cercueil extérieur de Toutankhamon
Bonjour,
Permettez moi de vous présenter un magnifique article écrit par Marie Grillot,
paru ce jour 7/9/2019 sur la page Egypte-actualités
En ce 12 juillet 2019, au cœur de la vallée des rois, dans la KV 62,
dernière demeure d'un jeune roi emblématique,
la tension devait être à son comble et l'émotion palpable :
ces sensations étaient très certainement conjuguées
au sentiment de vivre un moment exceptionnel …
En effet, après une période de plus de 3200 ans, le sarcophage extérieur de bois doré,
qui n'avait jamais quitté la tombe depuis les funérailles
du jeune Toutankhamon, allait en être extrait …
Tout comme le 11 avril 2018, les 122 objets du trésor exposés au musée de Louqsor,
il allait entreprendre le long voyage menant vers une nouvelle "demeure" :
le GEM (Grand Egyptian Museum érigé près des pyramides)…
Pour ce trajet de plus de 650 km sous haute protection,
le cercueil anthropoïde de bois doré a quitté avec
d'infinies précautions
la cuve "jaune dorée en quartzite monolithe",
qui devait lui servir de réceptacle pour l'éternité.
Confiné dans la tombe depuis des siècles
tout a été mis en œuvre afin qu'il ne subisse aucune des agressions extérieures
ou vibrations qui risqueraient de l'endommager irrémédiablement,
son état étant déjà fort préoccupant.
En effet, "des examens préliminaires effectués sur le cercueil extérieur
à l'intérieur de la tombe
ont révélé qu'il souffrait d'une faiblesse générale et que des couches de plâtre doré,
celles du couvercle et de la base, étaient fissurées.
Une intervention immédiate pour restaurer le cercueil
dans un environnement approprié s'avérait requise"
(communiqué du Ministère des Antiquités).
Une équipe de professionnels l'a soigneusement protégé,
en a renforcé les parties fragilisées.
Lors de la conférence de presse internationale, tenue devant le GEM le 4 août,
le jeune pharaon d'or, placé dans un caisson transparent, nous est apparu,
comme nimbé d'un voile aérien, tout à la fois magnifique et fragile.
Le Ministre Khaled el-Enani a présenté les mesures prises pour sa conservation
et sa restauration tout en précisant :
"Nous vous montrons un objet historique unique,
pas seulement pour l'Egypte mais pour le monde entier".
Il a précisé qu'à l'issue de son long périple,
le cercueil avait été déposé une semaine en salle d'isolement,
puis a ajouté : "La phase de stérilisation du cercueil a commencé le 22 juillet 2019
pour compléter le plan de remise en état, qui comprend
également des examens et des analyses (non invasives),
et à la lumière des résultats de ces tests,
le nettoyage mécanique et le nettoyage humide seront effectués.
Les travaux de remise en état devraient durer environ huit mois".
Le GEM, dont l'ouverture est espérée pour 2020,
sera ainsi en mesure de présenter les trois cercueils
(les deux premiers de bois doré et le dernier d'or massif) dans lesquels
reposait Toutankhamon dont la tombe fut mise au jour
le 4 novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter…
Ce dernier devra patienter presque trois années
avant de pouvoir examiner, avec une extrême attention,
les cercueils "gigognes", les ouvrir et être enfin face à la momie
de ce jeune pharaon que,
d'une certaine façon, il ramenait à la vie…
En effet, après la découverte de l'automne 1922,
des mois seront nécessaires pour vider l'antichambre ;
la porte murée de la chambre funéraire ne sera démolie que le 17 février 1923…
Puis, peu de jours après, le 26 février, la tombe sera fermée.
Elle ne rouvrira qu'en 1924, ce qui permettra notamment, le 12 février,
que les "ouvriers de Carter soulèvent le couvercle du sarcophage et
révèlent le cercueil extérieur qui représente le roi en Osiris" (Zahi Hawass).
Mais l'hypogée sera à nouveau fermé 3 jours plus tard
en raison d'un désaccord opposant Carter à l'Etat égyptien…
Mais enfin, le 13 janvier 1925, à l'issue de tractations délicates débutées le 4 janvier,
une nouvelle concession sera attribuée à Lady Almina -
veuve de Lord Carnarvon-, et à Howard Carter.
Dans son excellent "Toutankhamon", Marc Gabolde précise :
"Ce n'est que le 25 janvier que Carter revint dans la tombe
pour une très courte saison.
La fouille proprement dite se limita au nettoyage
à l'ammoniaque de la surface du premier cercueil doré".
Carter et son équipe n'engageront le délicat travail d'extraction du couvercle
de ce premier cercueil qu'au mois d'octobre suivant.
"Après l'avoir soigneusement examiné, nous conclûmes que les poignées d'argent
deux de chaque côté étaient en assez bon état
pour supporter encore le poids du couvercle" raconte le découvreur.
Dans l'inventaire qu'il dressa des objets du trésor,
le cercueil extérieur sera numéroté 253.
Nicholas Reeves nous donne les informations suivantes :
"D'une longueur de 2,24 m, le cercueil avait la tête orientée à l’ouest.
Il reposait sur un lit bas de forme léonine, intact en dépit du lourd fardeau de 1250kg
qu'il avait dû porter pendant plus de trois mille deux cents ans.
On trouva au fond du sarcophage des copeaux provenant des pieds du couvercle,
raboté au moment des funérailles pour corriger
une erreur de conception qui l'empêchait de s’ajuster au cercueil.
On sut d'après ces copeaux que le cercueil était en cyprès,
enduit d’une mince couche de plâtre modelée en relief et revêtue d’une feuille d’or.
L’épaisseur de l'or variait, depuis les lourdes plaques utilisées pour le visage et les mains
qu'à la plus fine des feuilles d'or recouvrant cette curieuse coiffure ressemblant au khat.
De même, les couleurs du revêtement de métal n'étaient pas sans nuances et,
selon les propres termes de Carter,
l’alliage plus pâle des mains et du visage évoquait 'l’impression de grisaille donnée par la mort'."
Puis, il le décrit ainsi de façon très précise :
"Le décor en bas relief du couvercle et du cercueil est en rishi - motif imitant la plume.
À gauche comme à droite, en surimpression sur ce plumeté,
apparaissent les deux figures délicates d’Isis et de Nephthys,
les ailes déployées pour protéger le roi comme le rappelle l'une des
deux colonnes de hiéroglyphes à l'avant du couvercle.
Sous les pieds du roi, on retrouve Isis agenouillée sur le signe hiéroglyphique de l'or.
L'ensemble domine un texte en dix colonnes.
Sur le couvercle, le roi mort figure en haut relief sous les traits d’un Osiris gisant.
Il porte un large collier et des bracelets ornés en bas relief et, les bras croisés sur la poitrine,
il tient les deux symboles de la royauté, le sceptre heqa (main gauche) et le fouet (main droite).
À son front se dressent les 'Deux Maîtresses', Ouadjet et Nekhbet,
le cobra sacré de Basse-Egypte et la déesse-vautour de Haute-Egypte.
Elles sont parées d’une petite guirlande de feuilles d’olivier et
de fleurs semblables à des bleuets, liées par une mince lanière de papyrus.
Les feuilles d’olivier avaient été soigneusement disposées de manière à présenter
alternativement leurs deux faces, la verte et l’argentée".
L'art égyptien en général - et peut-être tout particulièrement ce qui concerne ce jeune pharaon
- a ceci d'extrêmement précieux :
il ne cesse de nous toucher, de nous émouvoir… Est-ce dû à la beauté, à la perfection,
à la richesse, à la lumière par-delà la mort, au sentiment d'éternité ?
Il est certainement vain de chercher à expliquer de façon rationnelle
l'émotion pure qui nous étreint face à ce jeune souverain mort
depuis des siècles et au trésor qui l'accompagnait pour son éternité…
Texte de Marie Grillot
Communiqué de presse du 4-8-2019 du Ministère des Antiquités
The Tomb of Tutankhamun, Howard Carter
Toutankhamon, vie, mort et découverte d'un pharaon, Nicholas Reeves, Editions Errance
Howard Carter, The path to Tutankhamun, T.G.H. James, TPP, 1992
Toutankhamon, Marc Gabolde, Pygmalion, 2015
Catalogue de l'exposition "Toutankhamon, trésors du pharaon d'or",
Zahi Hawass, IMG Melcher Media, 2018
Légende : Le cercueil extérieur de Toutankhamon
(réf : Carter 253) présenté au GEM le 4 août 2019
bois doré
Provenance : Tombe de Toutankhamon (KV 62 - Vallée des Rois)
découverte le 4 novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter
Photo Ministère des Antiquités
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